Le conseil d’Etat a rendu le 21 Avril 2017 une décision intéressante (CE, 21 avr. 2017, n° 394606) sur le secret des affaires, de laquelle il ressort qu’il est possible d’invoquer le secret des affaires pour ne pas produire des documents déposés à l’appui d’un appel d’offre auprès d’une autorité administrative.
La société FM projet, opérateur aménageur de communications électroniques intervenant dans les opérations de montée en débit, a saisi l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) le 29 janvier 2014 d’une demande de communication de la décomposition détaillée des coûts des offres de référence de la société Orange, destinées aux opérateurs de réseaux ouverts au public, d’une part pour l’accès aux infrastructures de génie civil et d’appuis aériens et, d’autre part, pour la création de points de raccordements mutualisés. L’ARCEP a rejeté cette demande de communication par un courrier du 3 mars 2014 au motif que les informations visées étaient couvertes par le secret en matière industrielle et commerciale.
Saisie par un courrier enregistré le 11 mars 2014 à son secrétariat, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) a, le 29 avril 2014, estimé que les documents détenus par l’ARCEP, qui lui permettent de s’assurer, dans le cadre de sa mission de régulation économique des marchés de gros de communications électroniques, que la société Orange se conforme à ses obligations, revêtaient un caractère administratif, mais a émis un avis défavorable à leur communication « dès lors que la divulgation de ces données serait susceptible de révéler la structure des coûts de l’entreprise qui, sur d’autres marchés, exerce son activité en milieu concurrentiel ».
La société FM Projet se pourvoit en cassation contre le jugement du 17 septembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d’annulation de la décision de refus de communication de l’ARCEP, née du silence gardé par cette autorité après l’avis défavorable de la CADA.
Le Conseil d’État a statué en ces termes « contrairement à ce qui est soutenu, le Tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la protection du secret en matière commerciale et industrielle pouvait légalement fonder le refus de communiquer à des tiers des informations se rapportant directement à un secteur dans lequel la concurrence est quasi-inexistante, mais qui comportent des données relatives au fonctionnement de l’entreprise dans d’autres secteurs d’activité où elle intervient sur un marché concurrentiel. Au demeurant, la circonstance qu’une entreprise exerce son activité sur un marché en situation de monopole ou de quasi-monopole n’est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce que le secret en matière industrielle et commerciale soit opposée à une demande de communication de documents administratifs relatifs à cette activité. »
Publié le 16 mai 2017 par Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.
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