Le mardi 6 juin 2017 après-midi, se sont tenues les troisièmes rencontres entre la Cour d’appel de Paris et la Faculté Jean Monnet de l’université Paris-Sud sur le thème : « Secrets et procès ».
Accueillant la manifestation, la première présidente Chantal Arens a évoqué la genèse et l’évolution du partenariat noué le 23 juin 2015 entre les deux institutions.
Pour animer la conférence, deux étudiantes du Master II Professions judiciaires de la Faculté Jean Monet de l’université Paris-Sud, ayant fait leur stage à la Cour, sont intervenues pour introduire les tables rondes et les intervenants, en commençant par la première série d’interventions ayant trait aux « Secrets dans le procès ».
Me Gaelle Le Guillec, membre du Conseil de l’ordre, avocate au barreau de Paris, est intervenue sur le secret professionnel de l’avocat en soulignant la nécessité du secret pour la confiance en la défense et le conseil par l’avocat. Il est l’un des secrets les plus protégés avec le secret médical et le secret de la confession. Puis le professeur Xavier Boucobza,a poursuivi sur le secret des affaires. Le droit français, pour l’heure, ne connaît pas la notion ni n’instaure de véritable réglementation mais la directive du 8 juin 2016 va modifier les choses en créant une protection spécifique dans l’Union européenne.
Actuellement, les procédures de droit commun malmènent le secret des affaires qui se heurte aux principes fondamentaux de la procédure (contradictoire, publicité, loyauté) alors que certaines procédures spécifiques (devant l’Autorité de la concurrence, devant les autorités étrangères, procédures arbitrales) en sont plus respectueuses.
Mme Sophie Portier, présidente de chambre à la Cour d’appel est intervenue sur le secret des sources en rappelant la protection particulière dont bénéficie le journaliste professionnel qui n’est pas le blogueur ni le lanceur d’alerte, et qui l’autorise à ne pas livrer la provenance de ses informations.
Cette protection, accordée sous certaines conditions, a été élaborée à partir de la jurisprudence européenne. Tout est une question d’équilibre entre des droits à protéger, le secret des sources étant considéré comme la pierre angulaire de la liberté de la presse. Elle a conclu en remarquant que dans les affaires récentes, il n’y a pas de problème de secret des sources car les journalistes font eux-mêmes leurs investigations et sont leur propre source.
La deuxième série d’interventions a porté sur les « Secrets du procès ». Elle a commencé avec M. Jean-Christophe Muller, avocat général à la Cour d’appel, sur le secret de l’enquête préliminaire. Il a souligné la permanente actualité de ce sujet en relevant que paradoxalement l’article 11 du CPP n’a été modifié qu’une fois depuis 1958. Après s’être interrogé sur les objectifs a priori peu conciliables, les personnes qui y sont assujetties, il en a rappelé les exceptions avant de conclure que, dans sa forme actuelle, le secret de l’enquête préliminaire a essentiellement une portée déontologique.
Mme Haritini Matsopoulou, professeur à l’université Paris-Sud a poursuivi sur le secret de l’instruction qu’on ne peut pas séparer du précédent. Ce secret vise à garantir l’efficacité des investigations, la protection de la présomption d’innocence, l’indépendance de la justice contre la pression de l’opinion publique. Il connaît de nombreuses dérogations par des fenêtres de publicité et des révélations pour les besoins des droits de la défense. La Cour EDH le fait céder devant le principe de la liberté d’expression. Enfin, Mme Xavière Siméoni, présidente de chambre à la Cour d’appel, a conclu sur le secret du délibéré de la Cour d’assises.
Il commence là où la publicité de l’audience s’arrête, à un moment où la parole doit être libre car il s’agit d’une expression de la citoyenneté. Après un rappel historique, elle a rappelé la liste des personnes présentes et le déroulement du délibéré qui se termine par un vote secret par écrit après une discussion ouverte. Comment savoir si ce secret est respecté ? Cela suppose une violation du délibéré qui devient public mais, de fait, il y a très peu de jurisprudence. La demande de motivation et l’exigence de transparence de notre société constituent aujourd’hui deux tempéraments à ce secret.
Les participants se sont donné rendez-vous pour la quatrième rencontre à l’issue de la prochaine année universitaire, en 2018.
Auteur : Yves-Marie Serinet, professeur à l’université Paris-Sud (Paris-Saclay).
Publié le 22 septembre 2017 par Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.
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