Un chef d’entreprise m’interrogeait récemment pour savoir s’il pouvait licencier son salarié en raison de son incarcération. Cette dernière, compte tenu du secteur d’activité de mon client, était sans doute liée aux récents événements.
La Cour de cassation après bien des hésitations considère qu’une incarcération est une cause justifiée d’absence du salarié tout comme la maladie ! Dès lors, le contrat de travail se trouve suspendu et l’employeur est tenu de reprendre son salarié après sa libération. Si par extraordinaire, l’employeur licenciait quand même le salarié incarcéré, la sanction serait lourde puisque seraient dues les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que le préavis (même si le salarié n’aurait jamais pu l’effectuer).
Il existe comme toujours en droit des exceptions ou nuances au principe de base.
Si l’incarcération désorganise l’entreprise, le licenciement pour cause réelle et sérieuse est possible à charge pour l’employeur de montrer la désorganisation. Le licenciement n’est pas disciplinaire c’est-à-dire que le salarié a droit à l’indemnité légale de licenciement, au solde de ses congés payés etc….
Pour juger de la désorganisation de l’entreprise, les juridictions regardent avec, à mon avis, un certain bon sens, la taille de l’entreprise : la Cour d’Appel de Versailles a ainsi estimé (6 Octobre 2015) que l’activité d’une pizzeria qui n’avait que 5 salariés était désorganisée par l’incarcération. À l’inverse l’emprisonnement d’un salarié d’une société avec un effectif de 500 personnes ne peut entraîner une désorganisation compte tenu des fonctions employées (Cour d’appel Poitiers Chambre sociale 4 Mars 2015 N° 162, 14/00463).
Autre cause de licenciement admise, le fait de ne pas avertir son employeur de son incarcération, si cette carence désorganise l’entreprise. Il s’agit cette fois d’une faute grave privative d’indemnité (Cour de cassation 20 Mai 2015 N° 14-10.270, 832). L’entreprise peut être avertie par le conjoint du salarié (Cour d’appel Paris Pôle 6, chambre 5 22 Janvier 2015 N° 12/09793) ou par la mère du salarié (Cass. soc., 16 sept. 2009, n° 08-42.816). Une Cour d’appel a cependant exigé que le salarié adresse un certificat de présence à la maison d’arrêt (Cour d’appel Riom 10 Juin 2014 N° 12/02262) et a jugé que l’absence de production de ce certificat rendait possible le licenciement pour faute grave.
Il existe également des situations connexes à celle de l’incarcération : par exemple la mise en examen du salarié pour des faits liés à son activité professionnelle. Dans cette hypothèse, le salarié peut être licencié pour manquement à l’obligation de loyauté s’il n’avertit pas son employeur.
Auteur : Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.
Publié le 21 juin 2016.
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