Un employeur face à la radicalisation

Que peut faire un employeur face à un employé qui se radicalise ?

Le 3 décembre 2015, l’Express affirme qu’un agent de sécurité a été interpellé mardi soir à son domicile du Bourget, situé dans le périmètre de sécurité de la COP 21 pour avait accroché un drapeau de l’organisation Etat islamique (EI) sur son mur.
Une semaine avant, un agent armé du GPSR (Groupement de protection et de sécurisation des réseaux) avait vu son autorisation administrative retirée compte tenu de sa radicalisation étayée par une fameuse fiche S (1). Il est susceptible de passer en conseil de discipline puisque l’autorisation administrative de port d’armes est une condition d’appartenance au GPSR (Groupe de protection et de sécurité des réseaux).

À la centrale de Flamanville, un ingénieur serait également fiché S, ce à quoi l’intéressé répond qu’il a condamné les attentats et qu’EDF lui a même octroyé une salle de prière ! Il est toujours en poste.

Mais que peut donc faire un employeur face à un salarié qui se radicalise ?

La réponse n’est pas aisée car les employeurs peuvent craindre de se voir poursuivis pour discrimination ou risquer de voir les sanctions disciplinaires annulées.

Il faut à mon sens distinguer les salariés dont l’exercice professionnel est conditionné par une autorisation administrative des autres salariés, qui n’ont pas besoin d’autorisation.

Prenant l’exemple d’un APS, il ne doit pas avoir de comportements ou d’agissements « contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’Etat » (2).

C’est alors à l’autorité administrative de décider si les signes de radicalisation sont suffisants pour justifier le retrait de la carte professionnelle. Retrait qui justifie alors un licenciement.

Pour les autres salariés, il n’y a pas encore de jurisprudence sur les « radicalisés » à l’exception d’une décision du Conseil des Prud’hommes de Bourges qui a confirmé le 30 novembre 2015, le licenciement d’un éducateur, pour avoir fait l’apologie du jihadisme sur sa page Facebook. La décision ne serait pas frappée d’appel.

Dès lors, plusieurs cas de figure doivent être envisagés :

Le salarié porte des vêtements ou accessoires distinctifs à connotation religieuse par exemple : croix, kippa ou voile. La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que « le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public ».

Dans ce cas, il n’est en principe pas possible d’interdire le port de signes religieux à l’intérieur de l’entreprise. Sauf si ces signes distinctifs devaient impacter sur la clientèle ou altérèrent l’image de l’entreprise ou de ses salariés.

Dans une autre hypothèse particulière : le salarié qui profite de ses fonctions pour faire du prosélytisme religieux : par exemple un enseignant. Dans ce cas, l’entreprise peut légitimement le licencier.

Le salarié fait l’apologie du terrorisme ou de crimes perpétrés, ce qui constitue une infraction (3). Le licenciement sera encore autorisé. On se souviendra d’un précédent célèbre : le créateur John Galliano qui avait fait l’apologie des crimes nazis à la terrasse d’un café.

 

Auteur : Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.

Publié le 10 juin 2016.

Pour me contacter :
Courriel : juaye@france-lex.com
Téléphone au 01 40 06 92 00 (8h-20h en semaine – 8h-13h le samedi).

(1) Une fiche S est un élément de surveillance et d’alerte, émis par les services de renseignements, utilisés par les forces de l’ordre afin de connaître le comportement à tenir face à une personne fichée ; « S » pour sûreté de l’État (il existe 21 catégories).

(2) Code de la Sécurité Intérieure article L.612-2

(3) Article 421-2-5 du Code pénal

Partagez cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *