Un agent de sécurité demande le renouvellement de sa carte professionnelle, ce qui lui est refusé, après consultation des fichiers de police et de gendarmerie.
L’agent attaque la décision devant le tribunal administratif qui lui donne tort. Il fait appel et la Cour annule tant la décision de refus de renouvellement que le jugement en constatant que l’agent du CNAPS (Conseil National des Activités Privées de Sécurité) qui avait consulté les fichiers de police n’était pas habilité :
« … Considérant que les personnes qui exercent une activité privée de surveillance et de gardiennage doivent, en vertu de l’article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, être titulaires d’une carte professionnelle délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité ; que cet article prévoit qu’un refus de carte ou de renouvellement de carte peut être opposé à l’intéressé notamment « s’il résulte de l’enquête administrative […] que son comportement ou ses agissements sont contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’Etat et sont incompatibles avec l’exercice des fonctions susmentionnées » ; que ces mêmes dispositions, dans leur rédaction applicable en l’espèce, ouvraient la faculté de consulter les traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification, aux seuls » agents des commissions nationale et régionales d’agrément et de contrôle spécialement habilités par le représentant de l’Etat territorialement compétent et individuellement désignés « ; que l’article 22 du décret du 22 décembre 2011 relatif au conseil national des activités privées de sécurité, désormais codifié à l’article R. 632-14 du code de la sécurité intérieure, impose au directeur de la Commission nationale, régionale ou interrégionale de transmettre au préfet du siège de la commission la liste des agents pour laquelle il sollicite une habilitation à consulter les fichiers gérés par les services de police et de gendarmerie nationales ; qu’il appartient à l’administration de justifier devant le juge, si une contestation est initiée sur ce point, de ce que l’agent ayant procédé à la consultation prévue par l’article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure bénéficiait effectivement de l’habilitation spéciale prévue par la loi ;
Considérant qu’il ressort de la pièce versée aux débats pour la première fois en appel par le CNAPS que, pour instruire la demande de renouvellement de sa carte professionnelle présentée par M. D…, l’agent Julie F. en service auprès de la délégation territoriale Sud du CNAPS, a interrogé le fichier » traitement des procédures judiciaires « ; que la production par le CNAPS d’une » fiche individuelle d’habilitation » par laquelle cet agent contractuel du conseil, habilité par M. C…, » ingénieur SIC « , certifie, notamment, avoir eu communication des règles d’utilisation du système d’information CHEOPS NG et des obligations qui s’y attachent et reçu un mot de passe personnel et confidentiel ne suffit pas à établir l’existence d’une habilitation régulièrement délivrée à cet agent instructeur par le préfet compétent en l’absence de toute précision ou justification sur la qualité de M. C… ; qu’ainsi la démonstration n’est pas rapportée de ce que l’agent ayant procédé à la consultation des fichiers de police et de gendarmerie dans le cadre de l’instruction de la demande présentée par l’appelant bénéficiait effectivement de l’habilitation spéciale exigée par le 2° de l’article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure ; qu’il n’est pas davantage démontré qu’une consultation de ces fichiers par une personne régulièrement habilitée aurait été effectuée dans le cadre de l’instruction du recours préalable obligatoire présenté par M. D… devant le CNAPS et aurait remédié ainsi à ce vice de procédure ;
Considérant que l’habilitation spéciale imposée par les dispositions du 2° de l’article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure a pour objet de garantir les administrés contre un mésusage des données à caractère personnel contenues dans les fichiers d’antécédents constitués par les services de police et de gendarmerie nationales aux fins de faciliter leurs investigations et d’assurer la protection de ces données personnelles ; qu’elle a également pour objet, à travers la limitation d’accès des personnes qualifiées, de garantir la confidentialité et l’intégrité des fichiers concernés ; qu’elle constitue, de ce fait, une garantie pour toute personne dont les données à caractère personnel sont contenues dans les fichiers en cause, mais aussi pour le gestionnaire du fichier et pour ses utilisateurs ; que l’administration n’a pu, sans méconnaître cette garantie, refuser l’agrément sollicité à l’issue d’une enquête administrative ayant donné lieu à une consultation illégale des fichiers de police et de gendarmerie ; que cette privation est de nature à entacher d’illégalité la décision prise, sans qu’il soit besoin de rechercher si cette irrégularité a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. D… est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 26 juin 2014 de la commission nationale d’agrément et de contrôle du CNAPS.
Publié le 25 juillet 2016 par Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.