Un des principaux sujets de contentieux devant le CNAPS ou plus exactement la CNAC (Commission nationale d’agrément et de contrôle) est le contentieux des cartes professionnelles (avec celui du non respect des conditions d’exercice par les sociétés).
Il est vrai que le Code de la sécurité intérieure précise que nul ne peut exercer l’activité de sécurité privée si « son comportement ou ses agissements sont contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État et sont incompatibles avec l’exercice des fonctions susmentionnées ».
Ces dispositions visaient initialement des infractions n’ayant pas donné lieu à des sanctions, mais par exemple à un simple rappel à la Loi, par exemple une gifle donnée lors d’une dispute conjugale.
Il en découle une double question.
Quelle est l’ancienneté des faits à prendre en cause ? Il semblerait que le CNAPS remonte à une période de dix ans, ce qui est largement supérieur à la prescription pénale.
Que sont des agissements contraires à la probité et aux bonnes mœurs ? Les bonnes mœurs est une expression figurant à l’article 6 du Code civil et qui était visée également dans le Code pénal. C’est en application de cette notion que furent interdits Madame Bovary ou les « fleurs du mal », réprimée l’homosexualité etc… Il est désormais exigé qu’une Loi doit être compréhensible par le justiciable qui doit également pouvoir anticiper ses effets. Est-ce le cas avec les dispositions du Code de la sécurité intérieure ? Aux juridictions de le dire !
La Cour administrative d’appel de Douai vient d’ailleurs d’apporter sa pierre à la construction de l’édifice jurisprudentiel : elle a considéré, le 21 juin 2016, que le simple fait d’avoir été mis en cause dans des affaires n’ayant pas donné lieu par la suite à des poursuites, n’est pas un obstacle à la délivrance de carte professionnelle par le CNAPS et ce dans les termes suivants :
« Considérant que la décision contestée fait état, d’une part, de mises en cause pour filouterie de carburant en 2004, viol sur mineur de 16 ans en 2003 et violences volontaires en 2009, et, d’autre part, d’une condamnation le 16 septembre 2003 à une peine d’amende pour des faits d’outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique ; que M. E… a formellement contesté la matérialité des faits à l’origine des mises en cause mentionnées sur le système de traitement des infractions constatées lors de sa consultation par les autorités compétentes le 7 novembre 2012 ; qu’il ressort, en outre, des pièces du dossier que ces faits n’ont donné lieu à aucune suite judiciaire particulière et qu’aucune enquête n’était en cours à l’encontre de l’intéressé à la date de la décision attaquée ; que la condamnation à une peine d’amende de 500 euros prononcée par le tribunal correctionnel de Lille, eu égard à son ancienneté et à son caractère isolé, ne saurait suffire à elle seule à caractériser un comportement incompatible avec l’exercice d’activités privées de sécurité ; que dans ces conditions, et en l’absence de toute autre information ou élément de nature à corroborer que le comportement de M. E…serait incompatible avec l’exercice d’une profession dans le domaine de la sécurité privée, le conseil national des activités privées de sécurité n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 8 novembre 2012. »
On ne sait pas si le Conseil d’Etat a été saisi d’un pourvoi sur cette décision car indubitablement le candidat aux fonctions d’APS sentait le souffre. Mais peut on interdire l’exercice d’une profession sur des suspicions ? La jurisprudence viendra le préciser.
Auteur : Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.
Publié le 16 novembre 2016.
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