Dans une décision du 30 Mai 2017 (N° 15/03299), opposant une entreprise qui s’était fait voler à son installateur d’alarme, la Cour d’appel d’Amiens a rappelé que les installateurs avaient une obligation de résultats quant aux bons fonctionnements des systèmes installés chez leurs clients et qu’ils ont également un devoir de conseil.
Les faits sont les suivants.
La SAS Utilisatrice a pour activité la vente et la réparation de matériel agricole. Elle a passé commande le 5 septembre 2011, auprès de la SAS Installateur, spécialisée dans l’installation de systèmes d’alarme et de surveillance pour l’équipement de ses nouveaux locaux en construction à Roye, d’un système de protection – détection intrusion et vidéo surveillance – pour une mise en sécurité intérieure des locaux et pour la protection extérieure du parc de machines agricoles. Le système était programmé de façon à transmettre à la société S. Service, société de télésurveillance, des informations concernant les déclenchements de l’alarme.
La facture initiale de la fourniture et de la mise en oeuvre du système de détection d’intrusion intérieure et de vidéosurveillance s’élevait à 28 106 euros TTC pour une alarme intrusion intérieure, vidéosurveillance avec deux détecteurs de mouvements en surveillance du parc matériel neuf.
En suite d’un vol de cinq machines neuves survenu en décembre 2011 sur un site exploité à Péronne par la société M., Monsieur V., président des sociétés Utilisatrice et M. a demandé à la SAS Installateur de prévoir une protection extérieure renforcée avec installation sur les deux sites de barrières infrarouges et de détecteurs de présence.
Un nouveau devis pour la protection de la totalité du parc extérieur par quatre colonnes extérieures avec liaison filaire a été établi le 21 décembre 2011 et accepté par la société Utilisatrice pour un montant de 17 222,40 euros, la SAS Utilisatrice devant assurer le génie civil, soit la réalisation des socles béton, des regards, des tranchées et fourreaux, de cette installation. Ces travaux ont été réalisés fin 2011/début 2012.
En janvier 2012, le système installé ne donnant pas satisfaction, la SAS Installateur a proposé, suivant devis accepté par la société Utilisatrice, l’ajout de deux colonnes supplémentaires et d’un détecteur de mouvement supplémentaire dans la cour arrière, facturées le 21 mars 2012 pour les montants de 7600,58 euros et de 3163,42 euros de sorte que le coût total de l’installation s’est élevé à 57 213,05 euros, travaux achevés le 31 janvier 2012 et la société de télésurveillance S. a établi son procès-verbal de mise en service le 2 février 2012.
L’installation était mise en service le 15 mai 2012.
Constatant de nombreux dysfonctionnements du système d’alarme, par déclenchements intempestifs, la SAS Utilisatrice a adressé le 27 juin 2012 un courrier recommandé avec accusé de réception puis plusieurs courriels à la SAS Installateur afin que des mesures soient prises pour remédier aux problèmes techniques.
Un rendez-vous de mise au point a été convenu entre Monsieur V. et Monsieur B., représentant la SAS Installateur, qui a expliqué que la protection n’était pas optimale et a conseillé la mise en place de deux colonnes supplémentaires.
Un devis du 13 février 2013 a été soumis en ce sens à la SAS Utilisatrice qui l’a accepté le 11 mars 2013 pour la somme de 12 000 euros TTC qui sera facturée le 25 septembre 2013 à la société Utilisatrice.
Les travaux d’amélioration ont débuté le 16 avril 2013 mais ont été interrompus par la société Utilisatrice qui en a ordonné l’arrêt le 17 avril 2013 à la suite d’un vol commis dans ses locaux la nuit précédente.
Le 18 avril 2013, la société Utilisatrice, qui avait été alertée par la société de télésurveillance les 2 et 5 avril 2013 de déclenchements intempestifs du système d’alarme, a avisé la société Installateur qu’un vol avec effraction avait été commis dans ses locaux dans la nuit du 16 au 17 avril 2013, rappelant que depuis l’installation l’ensemble du système présentait des anomalies qui n’avaient jamais été résolues et demandait à la société Installateur de réaliser des tests des barrières infrarouges.
Maître P., huissier de justice requis par la société Utilisatrice, dressait le 19 avril 2013 un constat aux termes duquel à chaque essai, le système d’alarme extérieur ne se déclenchait pas.
Par ordonnance de référé du 17 mai 2013, le président du tribunal de commerce d’Amiens, saisi par la société Utilisatrice, a ordonné qu’il soit procédé à expertise pour rechercher les dysfonctionnements sur le système d’alarme, formulé toute observation technique de nature à permettre la détermination des responsabilités éventuellement encourues et a désigné Monsieur Marc V. pour y procéder.
La Cour, pour condamner la société Installateur a rappelé, qu’en qualité d’installateur professionnel, il lui appartenait de s’enquérir des besoins précis de la société cliente et de lui prodiguer les conseils utiles, notamment au regard des exigences des compagnies d’assurances qu’elle ne pouvait, puisque professionnelle, ignorer, pour que ces attentes soient satisfaites. Elle ajoute que SAS Installateur ne justifie pas de ce que les choix de la SAS Utilisatrice aient été dictés par un souci d’économie, ni de ce qu’elle l’ait avertie des conséquences de ses choix. Elle ne démontre pas avoir rempli les obligations de conseil et d’information auxquelles en qualité de professionnel, elle était tenue à l’égard de la société cliente et n’établit pas davantage avoir proposé le contrat d’entretien obligatoire.
Il y avait eu, en outre, des alarmes intempestives qui ont été considérées comme provenant des défaillances de l’installation.
Auteur : Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.
Publié le 18 septembre 2017.
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En espérant que ce cas de figure fera jurisprudence et que l’obligation de conseils et de résultats devienne la norme en matière de vidéosurveillance.