Vol d’information : La saga judiciaire continue : Cour de cassation Chambre criminelle 28 Juin 2017 Rejet N° 16-81.113
Deux avocats associés au sein d’une société civile professionnelle se disputent et l’un d’eux se rend sur le réseau informatique de la société et récupère des informations concernant sa consoeur sans avoir besoin du moindre code.
Ces informations étaient essentiellement des doubles de courriers destinés, notamment, à des banques et des organismes mutualistes.
L’avocate porte alors plainte pour vol et voilà son confère condamné pour ce motif, ce qui fait, avouons-le, désordre pour un membre du barreau. Il se pourvoit en cassation, mais la juridiction suprême rejette sa demande en considérant que le libre accès à des informations et des documents n’était pas antinomique avec une appropriation frauduleuse :
« Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que dans la cadre d’un contentieux opposant les associés de la société civile professionnelle (SCP) d’avocats Y…-X…, Mme Ghislaine Y… a, le 14 février 2007, déposé plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d’instruction de Laval contre M. X… pour tentative de chantage à l’occasion de projets de cession des parts de la SCP, atteinte au secret des correspondances et vol de correspondances ; qu’une information judiciaire a été ouverte à l’encontre de M. X… des chefs précités ; qu’il a été mis en examen de ces chefs ; qu’à l’issue des investigations, une ordonnance de règlement a prononcé un non-lieu à son encontre pour les faits de tentative de chantage et de violation de correspondances et l’a renvoyé pour vol devant le tribunal correctionnel qui l’a déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et a reçu la constitution de partie civile de Mme Y… ; que M. X… et le ministère public ont interjeté appel de ce jugement ;
Attendu que, pour déclarer M. X… coupable de vol, l’arrêt énonce que, par le biais du système informatique du cabinet, il a eu accès aux fichiers collectifs à partir du serveur, sans avoir à entrer un quelconque code d’accès propre à Mme Y…, qu’il a pu librement télécharger des documents, que si la SCP a détenu de ce fait des doubles de courriers rédigés par Mme Y…, destinés notamment à des banques et des organismes mutualistes, cette dernière avait seule, en tant que propriétaire, le pouvoir d’en disposer, à raison du caractère personnel des documents, que M. X… a effectué et récupéré des photographies de courriers de la Mutuelle de sa consoeur et édité secrètement des doubles de courriers rédigés par elle contenus dans ses fichiers informatiques consultés officieusement, ce, à l’insu et contre le gré de celle-ci, et à des fins étrangères au fonctionnement de la SCP ; que les juges ajoutent que le prévenu s’était dès lors approprié ces documents, et ce frauduleusement ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que Mme Y… n’a pas entendu donner à M. X… la disposition des documents personnels dont elle était propriétaire, la cour d’appel a justifié sa décision ;
Qu’en effet, le libre accès à des informations personnelles sur un réseau informatique d’une entreprise n’est pas exclusif de leur appropriation frauduleuse par tout moyen de reproduction ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ; »
Par cette décision, la Cour de cassation se révèle plus protectrice que la directive sur le secret des affaires qui subordonne la protection légale à la mise en œuvre de mesures de sécurité numérique, physique et humaine comme nous l’avons expliqué dans notre ouvrage sur le secret des affaires.
Publié le 3 novembre par Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.
Pour me contacter :
Courriel : juaye@france-lex.com
Téléphone au 01 40 06 92 00 (8h-20h en semaine – 8h-13h le samedi).