La Cour d’appel de Paris vient de rendre un arrêt (28 Avril 2017 N° 13/20737) sur le secret des affaires, atypique en bien des points, ne serait-ce que sur le montant de l’article 700 du Code de procédure civil : 100 000 euros.
La société VERIZON, opérateur de télécommunications peu connu du grand public mais bien des professionnels, reprochait à la société Orange une surfacturation indue de certaines prestations de nature à causer un préjudice aux opérateurs alternatifs. VERIZON avait assigné la société Orange devant le Tribunal de commerce de Paris, mais elle avait été déboutée de ses demandes.
Elle avait formé appel et devant la Cour avait sollicité des mesures d’expertise puisque la juridiction de premier degré lui avait reproché un manque de preuve.
La Cour a d’abord rappelé les conditions de mise en œuvre d’une mesure d’instruction au visa articles 143 et 144 du Code de procédure civile qui supposent la réunion de trois critères :
– l’existence d’indices sérieux d’un manquement ;
– l’utilité et la pertinence des mesures et des pièces sollicitées ;
– l’absence d’un empêchement légitime.
Puis la juridiction d’appel a constaté que des dispositions n’obligeaient la société Orange à communiquer des comptes qu’à l’ARCEP et non à des tiers et elle a ajouté :
« Considérant qu’en l’espèce, la loi a entendu limiter l’accès aux comptes réglementaires d’Orange et en préserver la confidentialité, leur publicité présentant un risque d’atteinte au secret des affaires ; que, si ledit secret n’est pas absolu et ne constitue pas en soi un obstacle à une mesure d’instruction, seul un motif légitime justifie qu’il y soit porté atteinte, motif légitime que Verizon n’établit pas en l’espèce ; que l’expertise sollicitée par Verizon, en dépit des aménagements proposés et de l’ancienneté des données (en l’occurence non démontrée en ce qui concerne les coûts des réseaux qui sont amortis sur des durées très longues), porterait atteinte au secret des affaires et mettrait immanquablement Verizon en possession de données de la société Orange relevant d’un tel secret ; qu’il ne saurait donc être fait droit à la demande d’expertise ».
Il est difficile de savoir si la démarche de VERIZON était une tentative d’espionnage économique, mais la Cour d’Appel s’est vraisemblablement interrogée.
Publié le 22 mai 2017 par Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.
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