SOUS-TRAITANCE DANS LA SECURITE HUMAINE
Thibault du MANOIR de JUAYE
Avocat à la Cour
Il n’est pas rare que, faute de personnel disponible, une société de sécurité fasse appel par le biais d’un contrat de sous-traitance à des agents d’une autre société. La procédure est le plus souvent licite, notamment au regard du Code de la sécurité intérieure.
Mais, au regard du droit du travail, les risques ne sont pas négligeables.
Le danger le plus important est sans doute une qualification de l’opération en prêt illicite de mains d’œuvre ou en délit de marchandage, infractions qui sont punies d’un emprisonnement de 2 ans et d’une amende de 30 000 €. Elles peuvent entraîner la privation des aides à l’emploi et à la formation professionnelle et ce, indépendamment des conséquences sur les autorisations d’exercer des sociétés de sécurité.
Mais, il existe parfois une autre conséquence possible : c’est le fait de considérer les deux entreprises comme des co-employeurs, le salarié pouvant s’adresser à l’une comme à l’autre voire aux deux pour toutes revendications liées à son contrat de travail, pour le paiement de son salaire etc.
C’est une affaire de ce type qu’a eu a jugé la Cour d’appel de Paris ( Pôle 6, Chambre 5) dans une décision du 9 Avril 2015 qui a condamné conjointement deux entreprises pour prêt de main d’œuvre illicite et a considéré qu’elles étaient co-employeurs en arguant du fait qu’elles avaient exactement la même activité, qu’il n’y avait pas apport d’expertise, que le contrat de sous-traitance ne portait sur aucune mission spécifiquement définie et que la facturation était horaire. On peut imaginer qu’il s’agissait d’un contrat cadre destinés à régir les relations entre les deux entreprises.
Cette énumération à la Prévert de faits précis a la mérite de permettre aux entreprises de sécurité vérifier si elles ne sont pas dans la même situation.
Il n’en demeure pas moins que l’arrêt de cassation de la Chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 9 juin 2015, soit deux mois après la décision de la juridiction parisienne, a restreint considérablement la notion de co-employeurs en exigeant une confusion d’intérêts, d’activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion d’une des entreprises par l’autre.
La décision de la Cour d’appel de Paris, s’il y a eu pourvoi, pourrait donc être infirmée sur cette notion de co-employeurs.
Auteur : Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.
Publié le 4 juillet 2016.
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