Le Ministre des Affaires européennes a tenté de rassurer Monsieur Cresta, député des Pyrénées-Orientales, sur le champ d’application de la directive « secret des affaires. »
Question de M. Jacques Cresta
Député
M. Jacques Cresta attire l’attention de Monsieur le Secrétaire d’État, auprès du Ministre des Affaires étrangères et du Développement international, chargé des Affaires européennes sur la directive « secret des affaires » adoptée le 16 juin 2015 par le Parlement européen.
Cette directive se propose d’harmoniser la notion de secret des affaires entre les différents États membres afin de protéger les entreprises européennes et d’améliorer leur compétitivité sur la scène internationale.
L’objectif premier était de lutter contre l’espionnage industriel mais le danger vient de la définition qui est faite du « secret des affaires » dans la directive. La définition est tellement large et abstraite que n’importe quelle entreprise pourrait s’en prévaloir pour faire interrompre par un magistrat une enquête en cours qui lui déplairait, en mettant en avant la mise en cause de ses intérêts économiques. Cette procédure pourrait même aboutir à la demande de dommages et intérêts au vu du préjudice hypothétique subi.
Il semble que cette directive ne puisse en l’état être adoptée à l’automne 2015 en séance plénière sans remettre en cause les enquêtes journalistiques, qui pourtant permettent de mettre à jour de nombreuses dérives au sein d’entreprises européennes. Il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur cette définition du « secret des affaires » au plan européen.
Publication au JO : Assemblée nationale du 15 septembre 2015.
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Réponse du Ministère chargé des Affaires européennes
La directive relative au secret des affaires vise à créer une définition commune du secret d’affaires dans l’Union européenne et à mettre en place des moyens permettant aux victimes de l’appropriation illicite d’un tel secret d’obtenir réparation.
Son objectif est donc d’améliorer les conditions dans lesquelles les juridictions nationales civiles pourront traiter les affaires d’appropriation illicite d’informations commerciales confidentielles ou retirer du marché des produits qui constituent une atteinte à un secret d’affaires.
Les autorités françaises ont tout au long de la négociation eu comme priorités, d’une part, de rechercher un équilibre entre la protection du secret d’affaires et le respect des principes fondamentaux de la responsabilité civile et de la procédure civile, en particulier le respect du principe du contradictoire, eu égard aux dispositions déjà existantes du code de procédure civile, et d’autre part, de préserver de façon plus générale les libertés fondamentales.
Lors des négociations au Conseil, la France a obtenu deux avancées s’agissant de la définition du secret des affaires : d’une part, cette définition a été précisée au regard de la valeur commerciale du secret des affaires, appréciée de façon qualitative ; d’autre part, les conditions dans lesquelles les administrations des Etats membres ne pourraient se voir opposer le secret des affaires dans le cadre de leurs activités visant à préserver ou poursuivre un objectif d’intérêt général ont été clarifiées.
Cette définition plus précise permettra d’identifier et de lutter contre l’espionnage industriel, en poursuivant pleinement l’objectif de faciliter le travail de la justice.
Des inquiétudes ont pu être exprimées, notamment suite aux révélations des « Panama Papers », sur le fait que la directive serait trop protectrice des entreprises, au détriment des journalistes ou des lanceurs d’alertes. La France s’est donc montrée particulièrement ouverte aux propositions du Parlement européen de clarification des exceptions déjà agréées par le Conseil afin d’apporter une forte sécurité juridique en matière de protection de la liberté d’expression et d’information, y compris la liberté des médias. La directive prend en compte cette question, grâce à l’introduction d’une exception aux règles de protection du secret des affaires applicable aux cas de révélations dans le but de protéger l’intérêt général.
Compte tenu de l’équilibre trouvé dans la version finale du texte et des garanties qu’il apporte, les autorités françaises ont approuvé la directive, avec les autres Etats membres lors du Conseil du 27 mai 2016.
Le Parlement européen a quant à lui adopté ce texte lors de la session plénière du 14 avril 2016.
Si la France se réjouit de l’inclusion d’une référence, pour la première fois dans une directive européenne, aux lanceurs d’alerte, d’autres développements dans nos systèmes juridiques sont nécessaires.
En effet, seuls cinq Etats membres disposent actuellement d’une législation spécifique qui assure la protection des lanceurs d’alerte. Il importe donc, comme l’a demandé le Parlement européen, que la Commission européenne présente de nouvelles propositions visant à protéger les lanceurs d’alerte à l’échelle de l’Union européenne. C’est ainsi que pourra être préservée, et consolidée partout où cela est nécessaire, la liberté d’expression.
Publication au JO : Assemblée nationale du 15 novembre 2016.
Publié le 20 mars 2017 par Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.
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