Cour d’appel, Lyon, 8e chambre, 25 Février 2020 – n° 19/05552.
L’article 145 du Code de procédure civile, sur décision du juge, autorise un requérant à faire saisir des éléments de preuve chez un potentiel adversaire.
C’est ce que l’on qualifie souvent de droit de perquisition privée. Les procédures fondées sur l’article 145 du Code de procédure civile sont souvent utilisées dans les affaires de concurrence déloyale, vol d’information, vol de fichiers, débauchage etc.
La décision du juge (une ordonnance) est prise souvent de manière unilatérale pour éviter que la partie saisie, informée des procédures, ne puissent faire disparaitre des preuves. C’est une négation du principe du contradictoire qui oblige normalement un juge à entendre les arguments de toutes les parties (par exemple, atteinte au secret des affaires etc).
Lorsqu’une ordonnance a été rendue, (la partie saisie n’a donc pas été entendue), il est possible à la partie saisie d’intenter une action en référé devant le juge qui a rendu la décision pour faire valoir ses arguments, par exemple une atteinte au secret des affaires.
Dans son arrêt, la Cour d’Appel de Lyon a fait valoir que la personne qui est demandeur à la saisie doit justifier pourquoi le principe du contradictoire ne doit pas être respecté.
Elle a motivé de la manière suivante sa décision :
« En l’espèce, si la requête présentée le 13 mars 2019 au président du tribunal de commerce de Lyon contient des développements circonstanciés sur le motif conduisant la société Centre Laser Médical Lyon à solliciter une mesure d’instruction, elle se contente de mentionner dans son paragraphe relatif à la nécessité de déroger au principe du contradictoire : ‘Il est indispensable que la mesure soit réalisée non contradictoirement. A défaut, il ne sera plus possible de constater les matériels effectivement utilisés et de connaître les titres et les diplômes des personnes intervenant au sein des lieux d’exploitation de la société Parapharmacie Valmy. Le caractère non-contradictoire s’impose pour le succès tant de la mesure sollicitée, objet des présentes, que des éventuelles suites judiciaires.’
L’ordonnance du 22 mars 2019 qui se réfère à la requête fonde la dérogation au principe du contradictoire au fait que ‘l’efficacité de la mesure est conditionnée à l’effet de surprise et qu’il convient dès lors de déroger au principe du contradictoire.’
Ces deux motivations sont très générales et ne contiennent pas d’éléments énonçant expressément les circonstances propres à l’espèce susceptibles d’autoriser une dérogation au principe du contradictoire et n’articulent pas les éléments qui nécessitent ‘un effet de surprise’, aucune référence implicite ou explicite à des développements opérés dans la requête n’étant susceptible de la compléter.
Les pièces produites ne permettent pas d’établir une dissimulation des activités de la société Parapharmacie Valmy qui au contraire revendique une activité de ‘dépilation définitive à la lumière pulsée sur son site internet avec un détail précis des tarifs de cette activité et mentionne toujours sur ce site la qualification de son équipe ‘composée de pharmacien, dermo-conseillères et esthéticiennes diplômées’.
Les renseignements recherchés par l’appelante à savoir le type d’épilation pratiquée, la nature des appareils utilisés et la qualification du personnel les utilisant peuvent être obtenus par le biais de sommation de communiquer le registre du personnel ou les références et factures des appareils utilisés.
Comme l’a justement relevé le premier juge, aucune des pièces produites ne permet de craindre une destruction ou disparition de preuve et de justifier l’effet de surprise revendiqué. »
Publié le 20 mai 2020 par Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.
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