Perquisition privée

Il est parfois difficile de prouver la concurrence déloyale, le vol d’informations et les atteintes au secret des affaires.

C’est la raison pour laquelle le justiciable qui s’estime victime de tels agissements peut demander au juge s’il peut organiser une « perquisition privée » sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, ce qui permet de recueillir des éléments susceptibles de prouver les agissements litigieux. Cette procédure est encadrée par la loi de manière très stricte de façon à éviter notamment des atteintes à la vie privée ou au secret des affaires.

La Cour d’appel de Versailles a rendu une décision sur cet article du 12 Mars 2020 – n° 19/04497.

Estimant qu’il y avait eu détournement de clientèle de la part de M. Dominique F.  ( un de ses salariés) et la société Humano (créée par ce salarié), la société Bluteams Consulting a saisi par requête le président du Tribunal de commerce de Versailles qui a fait droit à sa demande par ordonnance du 12 février 2019, en autorisant deux huissiers de justice à prendre copie des documents informatiques se trouvant dans les locaux d’habitation de M. Dominique F. situés à Vélizy pouvant faire apparaître l’action concurrente de M. Dominique F. et de ses associés. Le juge des requêtes a notamment également dit que tous les documents ou fichiers saisis seront séquestrés en l’étude des huissiers instrumentaires jusqu’à ce que le juge éventuellement saisi en autorise la communication ou que les parties en soient d’accord.

La saisie des éléments a eu lieu le 15 février 2019.
Par exploit des 29 avril et 7 mai 2019, la société Bluteams Consulting a fait assigner M. Dominique F. et la société Humano devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Versailles afin d’obtenir la mainlevée des éléments séquestrés.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 6 juin 2019, M. Dominique F. et société Humano n’ayant pas comparu, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a  ordonné la levée du séquestre des documents et fichiers saisis le 15 février 2019.

Par déclaration reçue le 20 juin 2019, M. Dominique F. et la société Humano ont interjeté appel de l’ensemble des dispositions de cette décision en soutenant que le juge des référés ne pouvait ordonner la divulgation de tous les éléments saisis.

La Cour d’appel de Versailles les a déboutés en s’appuyant sur l’article R. 153-1 du Code de commerce entré en vigueur le 14 décembre 2018, qui énonce que :

‘Lorsqu’il est saisi sur requête sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile ou au cours d’une mesure d’instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d’assurer la protection du secret des affaires.

Si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l’article 497 du Code de procédure civile, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l’alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant’.

Cet article du Code de commerce a été pris en application de la loi du 30 juillet 2018 sur le secret des affaires (voir le secret des affaires Lexis Nexis 2019 par Thibault du Manoir de Juaye et Sabine Marcellin).

Les magistrats ont alors constaté que les appelants n’avaient pas effectué un recours contre la décision ayant ordonné le placement sous séquestre des documents et fichiers saisis, de sorte qu’en application des dispositions ci-dessus rappelées, les pièces sont automatiquement transmises au requérant.

Dernier petit coup de griffes contre les appelants, la Cour a estimé qu’ils ne démontraient pas en quoi les informations litigieuses relevaient du secret des affaires.

Publié le 27 mai 2020 par Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.

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