Pour bien comprendre, la décision du Conseil d’État que nous allons commenter (Conseil d’État, 9e et 10e chambres réunies, 20 Mars 2020 – n° 429279) il faut rappeler qu’il existe deux ordres de juridictions :
La juridiction administrative qui traite des litiges avec l’État, les collectivités locales et les juridictions civiles qui traitent des litiges entre particuliers.
Cette décision du Conseil d’État est intéressante car elle traite de la divulgation du secret des affaires à l’occasion de procédures judiciaires.
Les sociétés Google France, Google Ireland Ltd et Google LLC ont demandé au Conseil d’État :
1°) d’annuler la décision du 31 janvier 2019 par laquelle l’Autorité de la concurrence a publié sur son site internet la version « non confidentielle » de sa décision n°19-MC-01 du même jour ;
2°) d’enjoindre à l’Autorité de la concurrence de remplacer la décision publiée par une version de la décision du 31 janvier 2019 ne comportant plus les éléments protégés par le secret des affaires selon la décision du rapporteur général de l’Autorité de la concurrence ;
3°) à titre subsidiaire, de saisir le Tribunal des conflits au titre de l’article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015
La société Amadeus a saisi l’Autorité de la concurrence, le 4 mai 2018, de pratiques des sociétés Google Ireland Ltd et Google LLC, à qui elle reprochait un abus de position dominante et un abus de dépendance économique, en assortissant sa saisine d’une demande de mise en oeuvre de mesures conservatoires. Par une décision n° 19-MC-01 du 31 janvier 2019 prise sur le fondement de l’article L. 464-1 du code ce commerce, l’Autorité de la concurrence a prononcé quatre mesures conservatoires à l’encontre des sociétés Google Ireland Ltd, Google LLC et Google France. Saisie d’un recours contre cette décision, la Cour d’appel de Paris y a fait partiellement droit tout en rejetant, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, la demande qui lui était faite d’enjoindre à l’Autorité de la concurrence de publier à nouveau sa décision en supprimant les passages contenant des informations confidentielles.
Les sociétés Google France, Google Ireland Ltd et Google LLC demandent l’annulation de la décision de l’Autorité de la concurrence de publier intégralement sa décision n° 19-MC-01 du 31 janvier 2019, sans occulter les informations qui avaient été reconnues comme étant couvertes par le secret des affaires par le rapporteur général de l’Autorité dans le cadre de l’instruction de l’affaire. Elles demandent, en outre, qu’il soit enjoint à l’Autorité de procéder à la publication de sa décision du 31 janvier 2019 sans mention de ces informations.
Le Conseil d’État a considéré que le recours relevait des juridictions de l’ordre judiciaire, décision qui va dans en sens contraire de celle de la Cour d’appel de Paris.
Lorsque les juridictions administratives et celle de l’ordre judiciaire sont en désaccord, l’affaire est renvoyée devant un tribunal spécialisé, le tribunal des conflits.
C’est donc ce qu’a décidé le Conseil d’État. La décision de l’autorité de la concurrence est accessible sur son site .
Publié le 9 juin 2020 par Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.
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