Rapport de la Cour des comptes sur la sécurité privée, le Sénat réagit

Le rapport annuel de la Cour des comptes rendu public le 7 février dernier, dont les remarques nous semblaient bien injustifiées, continue à faire de vagues si l’on en croit les questions posées récemment par des parlementaires au Ministre de l’intérieur et de l’aménagement du Territoire :

Question écrite n° 3323 de M. Rachel Mazuir
Sénateur – M. Rachel Mazuir attire l’attention de M. le Ministre d’État, Ministre de l’intérieur, sur les sociétés privées de sécurité.

Dans son rapport public annuel publié le 7 février 2018, la Cour des comptes dénonce des méthodes de recrutement laxistes dans ce secteur d’activité. Des individus se retrouvent en effet détenteurs d’une carte professionnelle d’agent de sécurité alors même qu’ils ont été signalés à la justice pour infractions à la législation sur les stupéfiants, pour délit de fuite, agression sexuelle, fraude au mariage ou même violences sur un agent de police.

Ce sont 93 % des demandes de carte professionnelle qui sont acceptées. On peut donc émettre de sérieux doutes sur la fiabilité de ces agents qui opèrent des transports de fonds, gardent des préfectures ou assurent des missions de surveillance à l’école nationale supérieure de police.

En 2011, le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a pourtant été créé pour conseiller ces sociétés privées, les sanctionner en cas de manquements et délivrer les agréments et titres professionnels. Or, toujours selon la Cour des comptes, il apparaît que les contrôles sont peu fréquents et les manquements « largement tolérés ». Sur les 35 000 titres professionnels en circulation, seuls quelque 200 retraits et suspensions sont en effet prononcés chaque année.

Malgré cette situation accablante, déjà dépeinte en 2015 dans un rapport de l’inspection générale de l’administration, le Ministre de l’intérieur a annoncé le 5 février 2018 confier davantage de missions aux entreprises de sécurité privée. Il a par ailleurs indiqué que le CNAPS « sera chargé de donner l’agrément de chaque société et d’assurer la moralité de chaque agent ».

Il souhaite donc savoir comment le Gouvernement entend s’assurer de toutes les garanties professionnelles et éthiques concernant ces sociétés privées de sécurité.

Publication au JO : Sénat du 22 février 2018
Question écrite n° 3360  de M. Pierre Charon

Sénateur – 
M. Pierre Charon interroge M. le Ministre d’État, Ministre de l’intérieur sur la question du recrutement de la part des sociétés privée de sécurité.

En effet, dans son dernier rapport public annuel 2018, la Cour des comptes a clairement souligné les difficultés à apporter une régulation qui pourrait assurer à la profession une nécessaire moralisation. En effet, comme l’indique le rapport, « le contrôle de la moralité des demandeurs, qui conduit souvent à délivrer des cartes et autorisations à des individus ayant des antécédents judiciaires à des faits parfois graves, apparaît inadapté pour répondre à l’enjeu de moralisation du secteur » (Cour des comptes, synthèses des observations du rapport public annuel 2018, p. 25).

En effet, il est délicat, voire dangereux, que certains personnels de sécurité soient recrutés, alors qu’ils ont été condamnés pour des faits graves, particulièrement inappropriés aux fonctions exercées. La Cour des comptes a, par ailleurs, émis des recommandations, tenant notamment à la composition et à l’action du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Aussi, il aimerait savoir ce que le Gouvernement entend faire de ces recommandations visant à un recrutement plus conforme aux exigences de moralité et de professionnalisme qui s’imposent dans ce secteur.

Publication au JO : Sénat du 22 février 2018
Sénat
Question écrite n° 3298  de Mme Sophie Taillé-Polian

Sénatrice –
 Mme Sophie Taillé-Polian attire l’attention de M. le Ministre d’État, Ministre de l’intérieur, autour de l’application des injonctions du rapport annuel de la Cour des Comptes publié le 7 février 2018 concernant le secteur de la sécurité privée.

La Cour des Comptes critique le fait que la privatisation de ce secteur aux mains du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) puisse s’opérer dans un cadre presque dénué de régulation. L’État délègue de façon toujours plus importante des missions qui devraient être siennes, et ceci à des acteurs dont le CNAPS ne vérifie pas la fiabilité de manière assidue.

Les annonces de suppressions de postes dans la fonction publique faites par le Gouvernement mettent en exergue la volonté de ce dernier d’appliquer les techniques de nouvelle gestion publique. Pour autant, ces suppressions de postes ne devraient pas concerner une des exigences régaliennes de l’État. Absence de garantie de l’équité de traitement, problèmes de qualification du personnel employé par les sociétés privées, cette marchandisation à grande échelle du service public risque bel et bien de conduire à son démantèlement.

Tel est le mouvement mis en lumière lors des cinquièmes assises de la sécurité privée le 5 janvier 2018.
Eu égard au rapport annuel de la Cour des comptes et à ses conclusions, elle lui demande s’il compte mener la réflexion à laquelle appellent les magistrats, et donner suite aux observations de la Cour des comptes.

Publication au JO : Sénat du 15 février 2018.

Publié le 2 mars 2018 par Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.

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