Loi sur le secret des affaires, un texte protecteur des libertés

À l’approche de l’adoption de la loi sur le secret des affaires qui transpose la Directive européenne du 8 juin 2016 – vote prévue à l’Assemblée Nationale le 14 juin et au Sénat une semaine après, les tribunes fleurissent contre le futur texte vu comme liberticide et sont critiqués tant sa procédure d’adoption que son contenu.

Mais les contempteurs, les critiques du texte ont la mémoire courte sur le chemin parcouru par la directive, dont la procédure a été ouverte et démocratique et les parlementaires français n’avaient qu’une très faible marge de manœuvre dans la transposition.

Le texte européen a fait l’objet d’âpres discussions dans le cadre du trilogue (Discussions entre le Conseil, la Commission et le Parlement) et commence par le rappel que la protection du secret des affaires ne peut altérer la liberté d’expression et les droits des travailleurs et de leurs représentants.

La future loi ne peut déroger à ces principes démocratiques, qui sont en tout état de cause protégés efficacement par la Cour européenne des droits de l’homme.

Alors pourquoi de mouvement hostile au texte ? Plusieurs explications sont possibles :

La proposition de loi est en passe d’être adoptée à la hussard et dans l’urgence : la précipitation donne toujours l’impression que l’on veut passer en force pour mieux museler les opposants et éviter un véritable débat entre l’Assemblée Nationale et le Sénat. On se souvient que notre Président avait tenté de faire passer un texte sur le secret des affaires assez proche de celui qui sera adopté dans sa loi « Macron » en 2015 mais qu’il avait dû reculer face à la pression médiatique.

Le gouvernement a attendu le dernier moment pour la déposer alors que le délai d’adoption étant de deux ans ce qui laisse perplexe.

Le texte a été rédigé en grande partie par la Chancellerie mais déposé par un député, ce qui est pour le moins curieux. Le gouvernement a-t-il voulu éviter une critique acerbe du texte par le Conseil d’Etat comme cela avait le cas pour une précédente tentative de protection du secret des affaires, soutenue par Monsieur Olivier Bucquen alors délégué interministériel à l’intelligence économique ?

Le court délai d’adoption de la loi a fait que les auditions des personnes prétendument qualifiées ou réellement qualifiées apparaissent comme des cautions et alibis, plus que comme des interventions d’experts.

Pour tenter de rassurer les tenants de la liberté d’expression, l’Assemblée a proposé qu’une amende civile soit infligée aux entreprises qui s’appuieraient à tort sur le secret des affaires d’un montant dérisoire – 60.000 euros et qui pourrait ne pas résister à la censure du Conseil Constitutionnel. C’est un article « poudre aux yeux » qui ne trompe personne et que le Sénat a tenté de supprimer et qui peut laisser croire que l’on a voulu berner les citoyens.

Heureusement, cette procédure accélérée et sans débat véritable n’a pas affecté le fond du texte qui protège « la liberté d’expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d’information telle que proclamée dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », les lanceurs d’alerte dont le statut a été défini par la loi Sapin II (loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) et « la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national. »  (Futur article Art. L. 151-7)

Il en est de même pour les travailleurs et leurs représentants qui ne peuvent voir leurs droits diminués ou supprimés par le texte. (Futur article Art. L. 151-8).


Ce n’est donc pas, par ce texte sur le secret des affaires que le nom de liberté sera effacé…

Protéger le secret des affaires et l’information, c’est préserver l’emploi et à partir du moment où cette protection n’altère pas la liberté d’expression et de travail, on ne peut donc qu’adhérer à la future loi.

 

Publié le 18 juin 2018 par Thibault du Manoir de Juaye, avocat à la Cour, spécialisé en intelligence économique et en droit de la sécurité privée.

Pour me contacter :
Courriel : juaye@france-lex.com
Téléphone au 01 40 06 92 00 (8h-20h en semaine – 8h-13h le samedi).

Partagez cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *